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Recrutement verrouillé, concurrence faussée : l’Autorité de la concurrence frappe fort

dot septembre 2025
Concurrence
Gaëlle Serrano
Gaëlle Serrano
dotLien vers la décision de l'Autorité :
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Le 11 juin 2025, l’Autorité de la concurrence (l’« Autorité » ou l’« ADLC ») a rendu publique sa décision n° 25-D-03, infligeant des amendes d’un montant total de 29,5 millions d’euros à plusieurs entreprises actives dans les secteurs de l’ingénierie, du conseil en technologies et des services informatiques pour avoir conclu des accords de non-débauchage restreignant le recrutement réciproque de leurs salariés.

Origine de l'affaire et griefs notifiés

L’affaire a été déclenchée par une demande de clémence déposée en avril 2018 par Randstad Digital (anciennement Ausy), qui a révélé l’existence d’accords de non-débauchage entre Randstad Digital, Alten, Expleo, Bertrandt et Atos.

 

L’Autorité a examiné trois griefs distincts. Le premier portait sur un accord de non-débauchage entre Randstad Digital et Alten, lequel limitait le recrutement des « business managers ». Le deuxième concernait un arrangement informel entre Expleo et Bertrandt visant à ne pas solliciter ni embaucher les salariés de l’autre, ainsi que des clauses de non-sollicitation intégrées à certains contrats commerciaux. Le troisième grief visait des accords présumés entre Randstad et Atos, incluant des clauses contractuelles de non-sollicitation et un « pacte de non-agression » relatif au recrutement de consultants en ingénierie.

Des accords informels limitant la mobilité dans un secteur fortement concurrentiel

S’agissant des premier et deuxième griefs, l’ADLC a constaté que les entreprises avaient conclu des « gentlemen’s agreements » généraux et informels visant à ne pas solliciter ni recruter les salariés des autres, en particulier les « business managers ».

 

Ces arrangements, qui n’étaient liés à aucun projet ou contrat spécifique, ne répondaient à aucune logique de coopération légitime entre les parties. Selon l’Autorité, ils constituaient des pratiques de répartition horizontale de marché, en violation des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, point c), du TFUE.

 

Dans son analyse, l’Autorité a souligné que les ressources humaines constituent un paramètre essentiel de la concurrence dans le secteur du conseil. En s’entendant pour ne pas solliciter ou recruter les salariés de leurs concurrents, les entreprises ont donc fortement réduit la concurrence dans les secteurs concernés, mais elles ont également réduit la pression sur les salaires et restreint la mobilité professionnelle des travailleurs.

 

L’absence de caractère restrictif des clauses de non-sollicitation dans les contrats commerciaux

Concernant le deuxième et le troisième grief, l’Autorité a examiné certaines clauses de non-sollicitation insérées dans des contrats commerciaux entre Expleo et Bertrandt, ainsi qu’entre Ausy et Atos. Toutefois, ces clauses n’ont pas été considérées comme ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel, principalement parce qu’elles :

 

·       Etaient limitées dans le temps, ne s’appliquant que pendant l’exécution des contrats concernés et pour une courte durée après leur expiration ;

 

·       Ne concernaient qu’une catégorie spécifique de personnel impliqué dans la réalisation du contrat ;

 

·       Etaient circonscrites à une relation contractuelle déterminée avec un client unique.

 

En conséquence, l’Autorité n’a pas retenu le caractère restrictif de concurrence des clauses de non-sollicitation dans le cadre du deuxième grief et a considéré que le troisième grief n’était pas fondé.

 

Sanctions

L’Autorité a appliqué son communiqué de procédure sur les sanctions de 2021, malgré les objections des entreprises, qui invoquaient une violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

 

L’Autorité a rejeté cet argument, estimant que le communiqué avait été adopté pour accompagner la réforme des critères légaux de détermination des sanctions introduite par l’ordonnance de 2021, applicable aux procédures engagées après son entrée en vigueur – ce qui était le cas en l’espèce. Elle a également précisé que le communiqué ne revêtait pas de valeur normative et ne constituait donc pas une loi pénale, ajoutant que la jurisprudence européenne admettait de longue date l’application de communiqués de sanctions à des faits antérieurs à leur publication.

 

Les pratiques, qualifiées par l’Autorité de la concurrence de répartitions des sources d’approvisionnement, ont été considérées comme particulièrement graves.

 

L’Autorité a par conséquent infligé les amendes suivantes :

  • 24 millions d’euros à Alten SA ;
  • 3,6 millions d’euros à Bertrandt SAS ;
  • 1,9 million d’euros à Expleo France.

 

Randstad Digital a bénéficié d’une immunité totale, en application du programme de clémence.

 

L’Autorité a également ordonné la publication d’un résumé de la décision sur LinkedIn ainsi que dans la presse spécialisée.

 

Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours.

 

Le communiqué officiel de l’Autorité relatif à cette décision est disponible ici.

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